Le Danemark à la tête de l’UE : quand la présidence rime avec durcissement migratoire

Depuis le 1er juillet 2025, le Danemark assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne pour six mois. Son rôle est d’organiser les réunions du Conseil ainsi que de mettre à l’agenda ses priorités politiques. Le Danemark a présenté ses priorités que sont la défense et surtout l’immigration, une orientation assez inquiétante.  

 

Une politique migratoire vers plus de fermeté 

Dans son programme officiel qui s’intitule « Une Europe forte dans un monde en changement », le gouvernement danois annonce sa priorité : il entend renforcer le contrôle des flux migratoires et accélérer le traitement – ou plutôt la sous-traitance – des demandes d’asile à des pays extérieurs à l’Union européenne. Cela repose notamment sur le nouveau projet de règlement européen sur les retours, qui menace les droits fondamentaux 

Selon la ministre danoise de l’immigration Kaare Dybvad Bjerre, leur objectif est d’« envoyer les migrant·e·s irrégulier·e·s ailleurs » et « stabiliser l’Europe ». Une vision qui s’inscrit dans la politique de la Première ministre sociale-démocrate Mette Frederiksen, adepte depuis des années d’une ligne ultra-rigoriste en matière d’immigration, avec notamment des mesures pour limiter l’accueil et rallier des soutiens inattendus, de la droite classique jusqu’à l’extrême droite européenne.  

Le Danemark va plus loin : avec plusieurs allié·e·s européen·ne·s, il milite pour une réinterprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Selon eux·elles, cette convention protègerait « les mauvaises personnes », un argument qui fragilise le socle juridique des droits fondamentaux en Europe. 

 

Des ambitions démesurées et des limites juridiques 

Néanmoins, les marges de manœuvre danoises restent limitées. D’une part, la présidence tournante de l’UE ne confère pas de pouvoir exécutif direct. Elle sert avant tout à organiser les débats et favoriser des compromis. D’autre part, les attaques contre la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) relèvent du Conseil de l’Europe, une institution distincte de l’UE, sur laquelle Copenhague n’a aucune autorité, rappelle une chercheuse en droit européen Tania Racho. 

Les projets d’externalisation des demandes d’asile posent aussi de lourdes questions juridiques. Le principe de non-refoulement, inscrit dans le droit international, interdit de renvoyer une personne vers un pays où elle risque des persécutions. C’est ce qui avait déjà conduit le Danemark à suspendre son projet controversé de transfert des demandeur·euse·s d’asile vers le Rwanda. 

 

L’Europe des droits fondamentaux menacée 

Au-delà du cas danois, cette présidence symbolise un glissement inquiétant de l’agenda européen. Depuis plusieurs mois, les propositions se multiplient pour durcir les politiques migratoires : extensions des possibilités d’expulsion, multiplication des centres de rétention, recul des garanties procédurales pour les personnes exilées. 

L’obsession migratoire danoise illustre un paradoxe européen : prôner l’unité et les valeurs humanistes, tout en promouvant des politiques de plus en plus répressives. Une dérive qui « fragilise toute la mentalité de l’Europe », selon la présidente de l’organisation Refugees Welcome, Michala Bendixen. 

Mais ce paradoxe s’accompagne d’une contradiction encore plus flagrante : pendant que les gouvernements européens durcissent leur arsenal répressif, la recherche scientifique, en grande partie financée par l’UE, ne cesse d’alerter sur l’inefficacité de ces politiques. Le chercheur Antoine Pécoud l’a souligné : la prétendue « crise migratoire » est largement alimentée par des politiques d’accueil inadaptées, davantage que par une hausse des flux. 

Face à cette impasse, la seule voie cohérente avec les engagements européens reste celle d’une politique d’accueil digne, accompagnée de moyens adaptés. Loin du repli sécuritaire, c’est par le respect des droits fondamentaux que l’Europe pourra réellement stabiliser son avenir. 

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