Dans la nuit du 1er au 2 septembre 2025, le kern, le comité restreint du gouvernement fédéral belge, a trouvé un accord sur la position que la Belgique adoptera vis-à-vis du conflit israélo-palestinien, annonçant notamment qu’elle reconnaîtra prochainement l’Etat de Palestine et établira des sanctions contre Israël.
Un engagement international encore insuffisant
Le conflit israélo-palestinien continue de provoquer une crise humanitaire majeure à Gaza. Bien que la Cour internationale de justice (CIJ) et l’ONU multiplient les mesures condamnant les actes d’Israël, elles le font avec une grande prudence, refusant de reconnaître explicitement le génocide en cours : la CIJ a par exemple ordonné à Israël de prendre des mesures conservatoires dans le but de « prévenir » des actes génocidaires, tandis que les différentes entités des Nations Unies emploient des détours pour désigner la catastrophe humanitaire palestinienne, évoquant notamment « des motifs raisonnables de croire que le seuil de commission du crime de génocide est atteint ».
De manière générale, les États restent peu engagés dans la protection des populations palestiniennes et le soutien aux territoires palestiniens. L’Union européenne, pourtant prompte à se présenter comme un acteur majeur des droits de l’Homme, ne reconnaît toujours pas l’État de Palestine, à l’instar de 16 de ses États membres, et maintient ses relations commerciales avec Israël.
C’est dans ce contexte que plusieurs États, réunis dans la Déclaration de New York, ont annoncé leur intention de reconnaître l’État de Palestine lors de l’Assemblée générale des Nations Unies du 22 septembre. La Belgique annonce s’inscrire dans ce mouvement.
Une reconnaissance à fort potentiel politique
Une telle reconnaissance ne serait pas seulement symbolique : elle permettrait d’établir des relations diplomatiques officielles avec les autorités palestiniennes, de renforcer la légitimité de leurs institutions, et d’envoyer un message politique clair à Israël en affirmant l’indépendance du peuple palestinien ainsi que l’illégalité des colonies installées en territoire occupé.
La Déclaration de New York pourrait également favoriser une reconnaissance à plus grande échelle, notamment au sein de l’Union européenne, voire ouvrir la voie à une reconnaissance collective par l’UE elle-même. Dans ce cadre, l’annonce par la Belgique de sa volonté de s’inscrire dans ce mouvement apparaît comme un signal positif, porteur d’espoir pour une évolution plus cohérente de la politique européenne au regard du droit international humanitaire.
Des sanctions belges qui changent la donne ?
Parallèlement à la volonté du gouvernement fédéral belge d’annoncer la reconnaissance de l’Etat de Palestine, l’accord du kern prévoit l’établissement de sanctions contre Israël telles que l’interdiction d’importation de produits issus des colonies israéliennes, de potentielles restrictions financières, ainsi que des poursuites contre les ressortissants belges impliqués dans des violations des droits de l’Homme ou des actes terroristes en Israël ou sur le territoire palestinien.
L’adoption de ces sanctions marque un tournant dans la position de la Belgique, qui devient plus proactive face au conflit. Les mesures économiques, en particulier, sont loin d’être anecdotiques : la Belgique est le quatrième client européen des produits israéliens. Par ailleurs, comme pour la reconnaissance de l’État de Palestine, cette dynamique belge pourrait inspirer d’autres États membres de l’Union européenne, voire l’UE elle-même, à suivre la même voie.
Un accord encore fragile et conditionnel
Cependant, le progrès que représente cet accord doit être relativisé. Pour commencer, il ne s’agit pour l’instant que d’une « intention de reconnaître », comme le souligne Frédéric Dopagne, professeur de droit international à l’UCLouvain. Autrement dit, rien n’est encore acté.
En outre, le comité ministériel a subordonné la reconnaissance de l’État de Palestine à deux conditions : « La reconnaissance ne sera […] formalisée dans un arrêté royal que lorsque le dernier otage israélien sera libéré et que des organisations terroristes comme le Hamas auront été écartées de la gouvernance de la Palestine ». L’établissement de telles conditions est discutable, car il rend une reconnaissance effective de la Palestine encore plus incertaine, voire irréalisable. Samuel Cogolati, co-président d’Ecolo, estime d’ailleurs qu’elles ne pourront pas être remplies à court terme. Ces exigences apparaissent également déséquilibrées, semblant favoriser Israël : pourquoi conditionner la reconnaissance à la libération des otages israéliens sans faire mention des milliers de prisonniers palestiniens ? Dès lors, cette déclaration s’apparente davantage à une « demi-reconnaissance », dictée par un compromis politique interne entre les partis de la majorité, et surtout par la volonté de la Belgique de ne pas se montrer trop favorable à la Palestine, afin d’éviter de froisser Israël.
Par ailleurs, les sanctions économiques annoncées, bien qu’historiques pour la Belgique, restent limitées. Elles concernent uniquement les produits matériels issus des colonies israéliennes, sans toucher ni les services, ni les investissements, ni les relations commerciales plus larges avec Israël. De la même manière, aucune mention n’a été faite d’un éventuel appel à suspendre l’accord d’association UE-Israël, pourtant régulièrement critiqué par les ONG. C’est une lacune importante, dans la mesure où l’Union européenne est le premier partenaire commercial d’Israël, représentant près de 30 % du total de ses échanges de marchandises.