La remigration : un concept raciste qui infiltre le débat public

Depuis quelques années, un terme longtemps marginal refait surface dans les discours politiques et médiatiques : la « remigration ». Il renvoie à une idéologie dangereuse, portée par les mouvements d’extrême droite à travers l’Europe, qui sert de levier à une vision identitaire et discriminatoire de la société.

 

« Remigration » : un euphémisme pour une politique inacceptable

Le terme « remigration » désigne le retour, volontaire ou forcé, des immigré·e·s et de leurs descendant·e·s vers leur pays d’origine. Derrière cette expression se dissimule en réalité une politique d’expulsion de masse, assimilable à une forme de déportation arbitraire et discriminatoire, et par conséquent illégale.

La « remigration » s’appuie sur une vision racialisée et hiérarchisée de la société, qui considère que les personnes perçues comme non-blanches ou d’origine extra-européenne seraient fondamentalement inassimilables. Ce postulat repose sur l’idée dangereuse d’une incompatibilité culturelle entre ces populations et ce que certains appellent les « vrai·e·s » Européen·ne·s. Une telle approche essentialise les individus en fonction de leurs origines réelles ou supposées, et cherche à légitimer leur exclusion systématique.

 

Une diffusion venue de l’extrême droite

Le concept de « remigration » apparaît dans les années 1990 au sein de la mouvance d’extrême droite française. Le journaliste italien Valerio Renzi, spécialiste de ces mouvements, explique que le terme s’est ensuite diffusé à d’autres pays, comme l’Allemagne (avec l’AfD), l’Autriche ou encore la Grèce.

En France, le Rassemblement national évite d’utiliser ouvertement le terme, préférant l’habiller sous des formules plus acceptables dans le cadre de sa stratégie de dédiabolisation. Pourtant, le fond du discours reste inchangé : volonté d’exclure, de hiérarchiser les populations, de désigner des coupables.

Certaines figures radicales comme le collectif Némésis, qui se revendique « national-féministe », assument pleinement l’usage du terme. Elles affirment, sans fondement statistique rigoureux, que les violences faites aux femmes seraient « principalement exercées par des hommes d’origine étrangère », et que la solution serait leur expulsion. Ce discours repose sur une instrumentalisation raciste du féminisme, qui invisibilise la réalité : la majorité des violences sexistes ont lieu dans la sphère privée, et les auteurs sont le plus souvent des proches de la victime, sans lien avec l’origine migratoire.

 

Une stratégie politique d’extrême droite

L’usage croissant du mot « remigration » répond à une stratégie claire : faire accepter l’inacceptable. Ce qui, il y a encore quelques années, aurait été jugé impensable ou hors du champ démocratique, devient aujourd’hui un sujet de débat, voire présenté comme une solution. Selon Renzi, cela permet une nouvelle légitimation d’une approche profondément raciste des politiques migratoires.

Cette logique s’appuie sur la théorie complotiste du « grand remplacement », qui prétend que l’immigration extra-européenne mènerait à la disparition de la population « de souche ». En filigrane, une peur : celle de la perte d’identité, de culture, de privilèges.

Les défenseur·euse·s de la « remigration » avancent aussi des arguments sociaux ou économiques, estimant que le départ des immigré·e·s allégerait les systèmes de santé ou d’éducation. Ces discours simplistes et fallacieux visent à évacuer les responsabilités structurelles (politiques publiques insuffisantes, sous-investissement social, etc.) pour les faire porter sur des boucs émissaires.

 

Un projet à combattre

La « remigration » n’est pas une option politique parmi d’autres : c’est un projet inhumain, contraire aux droits fondamentaux, inapplicable dans un État de droit. Il participe à l’ancrage d’une vision du monde où la différence devient une menace, et où la diversité est niée au profit d’un fantasme de pureté nationale.

Face à cette offensive idéologique, il est essentiel de nommer clairement les choses, de démonter les manipulations et de rappeler que les problèmes sociaux, économiques ou sécuritaires ne seront jamais résolus par l’exclusion ou le rejet.

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