Maria Corina Machado, Nobel de la paix : une nomination politique controversée

Le 10 octobre dernier, le prix Nobel de la paix a été attribué à Maria Corina Machado, opposante emblématique au régime chaviste du Venezuela. Louée pour son courage et sa lutte en faveur de la démocratie, cette récompense suscite pourtant de vives controverses. Derrière l’image d’opposante restée au pays malgré les menaces de répression, se cache une figure de droite radicale dont les prises de position interrogent sur la définition même de la paix que prétend défendre le comité Nobel.

 

Un symbole de résistance dans un pays sous tension

Maria Corina Machado, 58 ans, est une figure de l’opposition vénézuélienne depuis le début des années 2000. Opposante acharnée au chavisme, elle s’est engagée dans une lutte de longue haleine contre les dérives autoritaires des gouvernements successifs, notamment celui de Nicolas Maduro.

Annoncée dans des conditions opaques en juillet dernier, sans publication détaillée des résultats, la victoire de Maduro a été largement dénoncée par la communauté internationale et a instauré un climat de répression des opposant·e·s au gouvernement. Maria Corina Machado vit donc dans la clandestinité, ayant refusé de quitter le Venezuela, malgré les menaces graves qui pèsent sur elle.

C’est ce courage que le comité Nobel a choisi de récompenser : « Lorsque des autoritaires s’emparent du pouvoir, il est essentiel de reconnaître les courageux défenseurs de la liberté qui se lèvent et résistent », a-t-il affirmé dans un communiqué.

 

Une lauréate aux prises de position clivantes

Mais ce portrait de résistante ne fait pas l’unanimité. Derrière l’image d’une femme debout face à l’oppression, se dessine une figure bien plus controversée, porteuse des idées de la droite radicale vénézuélienne.

Dès 2005, sa visite officielle à la Maison Blanche, où elle est reçue par George W. Bush, avait semé le trouble, lui valant l’étiquette de « pro-impérialiste ». Depuis, son soutien affiché à Donald Trump nourrit ces critiques. Dans un message publié sur X (ex-Twitter), elle écrit d’ailleurs : « Je dédie ce prix au peuple du Venezuela qui souffre, et au président Trump pour son soutien décisif à notre cause. »

Son alignement idéologique se confirme également par son soutien à Israël, manifesté sur ses réseaux sociaux. Autant de prises de position qui la rapprochent de courants géopolitiques très éloignés de la vision pacifiste et universelle que le prix Nobel de la paix prétend incarner.

 

Des contradictions de son engagement pour la paix

La question se pose : Maria Corina Machado œuvre-t-elle réellement pour la paix ? Le comité Nobel a justifié son choix en expliquant que « les outils de la démocratie sont aussi les outils de la paix ». Pourtant, certains faits interrogent.

En avril 2002, lors du coup d’État contre le président élu Hugo Chávez, Machado a été vue au palais présidentiel. Si elle a nié toute participation, cette présence laisse planer un doute.

Plus récemment, son silence assourdissant face aux opérations militaires menées par les États-Unis inquiète. Depuis deux mois, Trump a déployé des navires de guerre au large des côtes vénézuéliennes. Trois embarcations civiles ont été coulées, faisant 17 morts, sans justification légale. Le 10 octobre au matin, Machado publiait : « Nous sommes au seuil de la victoire et aujourd’hui plus que jamais, nous comptons sur le président Trump… Le Venezuela sera libre ! ». Des propos ambigus qui, pour certains observateurs, relèvent davantage de l’appel à l’intervention militaire étrangère que de la défense pacifique de la démocratie.

 

Une prise de position politique et symbolique

La récompense attribuée à Maria Corina Machado n’est pas seulement un hommage personnel : elle envoie un signal politique puissant. Selon certain·e·s opposant·e·s vénézuélien·ne·s, critiques de Machado, cette décision est une « catastrophe potentielle ».

Bien que le comité norvégien ait insisté sur son indépendance vis-à-vis des incitations à nommer le président américain, qui multiplie les actes autoritaires, récompenser une de ses allié·e·s n’est pas anodin. S’agit-il d’une anticipation stratégique, motivée par la peur de représailles de Trump ? Ou d’un véritable soutien idéologique à sa vision du monde ? Dans les deux cas, cette décision marque une rupture avec les valeurs fondatrices du Nobel centrée sur le pacifisme et l’humanisme.

Elle révèle aussi l’évolution d’un monde où le mot « paix » peut désormais s’accommoder de positions autoritaires, d’appels à l’intervention étrangère, et de soutiens politiques d’extrême-droite. Dans une époque où les repères se brouillent, le prix Nobel de la paix ne peut pas se contenter de symboles. Il doit incarner une vision claire, exigeante, universaliste. À moins que lui aussi, désormais, ne devienne un outil de plus dans le grand jeu des puissances.

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