Le 1er décembre, journée internationale de lutte contre le VIH, rappelle chaque année l’ampleur des progrès accomplis mais aussi les enjeux persistants. Alors que les données récentes mettent en avant certaines évolutions préoccupantes (méconnaissance persistante du virus, idées reçues tenaces et montée de discours masculinistes brouillant l’accès à une information fiable), cette journée souligne plus que jamais la nécessité de renforcer la sensibilisation et l’éducation autour du VIH.
Quelques chiffres
En Europe, la situation est assez contrastée. En effet, si le nombre global de diagnostics a diminué depuis 2015, les disparités restent fortes. En 2024, selon l’OMS, la Région Europe a enregistré 105 922 diagnostics, avec un taux cinq fois plus élevé à l’Est qu’à l’Ouest. Dans l’ensemble des 53 pays de la Région européenne, 70 % des nouveaux cas de VIH sont désormais liés à des transmissions hétérosexuelles. Dans l’UE et l’Espace économique européen, les rapports sexuels entre hommes restent la principale voie de transmission (48,3 %). Ces données montrent que le mode de transmission dominant varie selon la zone étudiée.
Il est important de noter que le diagnostic tardif continue de freiner la lutte contre l’épidémie. Ceci est d’autant plus préoccupant que les jeunes (15 à 24 ans) restent largement inconscients sur le VIH alors ques les outils de prévention n’ont jamais été aussi disponibles. Selon une étude réalisée pour Sidaction, en 2025, 24 % d’entre eux estiment être mal informés sur le VIH, contre 11 % en 2009.
Ce déficit touche des notions essentielles : 42 % ignorent l’existence des autotests, 34 % celle du traitement d’urgence (TPE), et 36 % ne savent pas où se faire dépister. L’incompréhension du principe « Indétectable = Intransmissible » (U=U) est également frappante. En effet, 39 % se sentent mal informés et 78 % pensent, à tort, qu’une personne séropositive sous traitement efficace peut transmettre le virus.
Des idées fausses traduisant une méconnaissance du sujet
En plus de ces nombreuses lacunes, de nombreuses idées fausses sont toujours autant relayées. Toujours selon l’étude de Sidaction, de nombreux jeunes croient en l’existence d’un vaccin ou d’un médicament permettant de guérir du VIH. De plus, une part importante pense que le virus peut se transmettre en embrassant une personne séropositive, via un siège de toilettes ou en partageant un verre.
L’imaginaire autour du VIH reste ainsi fortement marqué par des peurs irrationnelles et une compréhension limitée des modes de transmission. Ceci façonne un sentiment d’invulnérabilité : 34 % des jeunes estiment avoir moins de risques que les autres d’être contaminés, et près de sept sur dix jugent improbable qu’ils contractent un jour le virus. Le VIH est donc perçu comme un danger lointain, voire dépassé, alors même que les diagnostics chez les 15–24 ans ont augmenté de 41 % en dix ans selon Santé Publique France.
Cette sous-estimation du risque se traduit dans les comportements sexuels. Parmi les jeunes ayant eu des rapports au cours de l’année écoulée, le recours au préservatif n’est pas systématique. La confusion entre contraception et prévention est fréquente. La pilule est parfois perçue comme une alternative suffisante au préservatif, ignorant qu’elle ne protège ni du VIH ni des autres IST. D’autres pratiques, comme le retrait, sont adoptées pour « éviter d’acheter des préservatifs » tout en cherchant davantage de plaisir. Ces comportement contribuent à un contexte où les infections sexuellement transmissibles (IST) sont en augmentation et où la transmission du VIH reste possible.
La montée des discours masculinistes sur les réseaux sociaux
Depuis quelques années, un facteur supplémentaire pèse sur la prévention. On assiste, sur les réseaux sociaux, à la montée de discours masculinistes. Sur de nombreuses plateformes, il n’est pas rare de voir des hommes promouvoir des rapports sans protection sous couvert d’affirmation d’une certaine virilité. Le préservatif y est présenté comme un danger pour la masculinité, parfois même qualifié de «signe de faiblesse». Plus inquiétant encore, une part des jeunes affirme que les femmes devraient « respecter » un refus masculin du préservatif. Ces représentations, portées par des contenus qui associent domination et sexualité, alimentent aussi un recul préoccupant sur la notion de consentement. Ces vidéos relaient l’idée que demander un consentement explicite « gâche la spontanéité » et qu’un homme ne peut être tenu responsable si la femme ne dit pas clairement « non ».
La vision promue par ces vidéos participe à la normalisation des rapports non protégés et fragilise les messages de sécurité sexuelles défendus par les associations. Pour Sidaction, ces discours mettent en péril la « sexualité consentie et épanouie » renforçant l’urgence de consolider l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle.
Renforcer la prévention reste essentiel pour limiter les nouvelles infections. Les dépistages réguliers et tous les éléments listés par l’association belge francophone Prévention Sida constituent des outils efficaces et complémentaires. Cette organisation met à disposition des ressources fiables ainsi qu’une ligne d’écoute anonyme.
Un accès adapté à l’information demeure indispensable pour tous·tes se protéger et soutenir une prévention efficace. . En consolidant ces stratégies et en favorisant une approche inclusive, il devient possible de réduire durablement les risques, de mieux accompagner les publics concernés et de progresser vers une société mieux informée et plus solidaire face au VIH.