Début décembre, la Bulgarie a vu déferler dans ses rues des dizaines de milliers de manifestant·e·s, majoritairement jeunes. Organisée et amplifiée par les réseaux sociaux, la contestation exprime une colère profonde face à un système politique perçu comme corrompu, illégitime, et incapable d’offrir un horizon collectif.
Une mobilisation massive portée par la jeunesse
Les 1er et 10 décembre, deux immenses manifestations ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes à travers le pays. La Gen Z y occupe une place centrale. Cette jeunesse, politisée et connectée, a trouvé dans TikTok et d’autres réseaux sociaux des outils d’organisation et d’amplification efficaces. La contestation s’est progressivement étendue à l’échelle nationale.
Ce mouvement ne relève pas d’un simple sursaut ponctuel. Il s’inscrit dans un climat de lassitude généralisée, où une partie croissante de la population souhaite mettre un terme à la corruption.
Le budget comme détonateur d’un rejet profond de la corruption
Le projet de budget de l’État pour 2026, qui prévoyait une hausse des cotisations sociales et des impôts est le déclencheur des protestations. Cependant, c’est la corruption, omniprésente et banalisée qui est le véritable cœur de la colère. Les exemples sont connus et vécus au quotidien : transactions immobilières partiellement payées en liquide à la demande d’agent·e·s, policier·e·s fermant les yeux sur une infraction contre un billet, médecins accélérant une opération en échange d’une enveloppe.
Dans ce contexte, pour beaucoup, ce projet de budget a été la goutte de trop. La population ne supporte plus l’idée de devoir donner davantage d’argent à un système qu’elle juge corrompu.
Une démission de plus dans une instabilité politique devenue structurelle
En réaction aux manifestions, le 11 décembre, soit onze mois seulement après son entrée en fonction, le Premier ministre bulgare Rossen Jeliazkov a annoncé sa démission. C’est un geste fort en apparence, mais qui s’inscrit dans une instabilité chronique : depuis 2021, la Bulgarie a connu pas moins de sept élections législatives.
Cette succession de scrutins traduit l’incapacité du système politique à produire des majorités stables et à répondre aux attentes citoyennes. La démission du chef du gouvernement, loin de clore la crise, risque au contraire d’alimenter le sentiment d’un pouvoir qui se délite.
Par ailleurs, la contestation vise surtout deux figures centrales du pouvoir, absentes du gouvernement mais perçues comme les véritables hommes forts du pays. Delyan Peevsky, oligarque officiellement sanctionné pour corruption par les États-Unis (en 2021, au titre de la loi Magnitsky) puis par le Royaume-Uni (en 2023). Et Boïko Borissov, trois fois Premier ministre entre 2009 et 2021, chef du parti GERB dont est issu Rossen Jeliazkov, et considéré par les manifestant·e·s comme le véritable donneur d’ordre. La démission du gouvernement n’aura donc sans doute que peu d’effets sur l’influence que ces deux hommes exercent sur le pays.
Une colère qui ne retombera pas si facilement
Dans ce contexte, rien n’indique que la chute du gouvernement suffira à apaiser la rue. Les revendications dépassent les personnes et visent un système entier.
L’urgence est d’autant plus grande que la Bulgarie s’apprête à passer à l’euro le 1er janvier 2026. Le pays pourrait aborder cette étape majeure sans budget adopté ni gouvernement stable. Pour l’économie la plus faible de l’Union européenne, l’enjeu est considérable.