Conférence européenne: Vers une politique européenne pour le logement durable?
Jeudi 18 septembre dernier, le Think Tank européen Pour la Solidarité était présent à la conférence européenne « Vers une politique européenne pour le logement durable ? », organisée par l’intergroupe du Parlement européen Urban-Logement.
La révision future de la Directive sur la performance énergétique des bâtiments était au cœur des débats. D’autres questions ont été soulevées : Qui finance (Europe, Etats-membres, régions, propriétaires, locataires) ? Comment encourager les investissements ? Vaut-il mieux inciter ou obliger ? Comment renforcer l’éducation des citoyens, qui s’avère être une question centrale ?
Un certain nombre de réponses ont été apportées, en mettant l’accent sur l’importance cruciale que revêt le logement. La nécessité à agir dès maintenant, d’une façon plus déterminée, dans une démarche intégrée et éducative, semblait au moins claire à l’issue de cette manifestation.
Table ronde n°1 : Promouvoir de nouvelles constructions durables
Cette table ronde était présidée par Fiona HALL, Membre du Parlement européen.
L’eurodéputé Fiona Hall a mis l’accent sur la relation entre l’efficience énergétique et l’économie locale. Quand les collectivités locales dépensent de l’argent pour le pétrole, ce sont les économies locales qui en pâtissent.
Fabrizio Barbaso, directeur général adjoint de la DG Transports et Énergie de la Commission européenne, a également souligné que l’objectif d’économie dans le logement représentait une économie de plusieurs millions. Le défi, pour lui, réside dans la bonne transposition des directives européennes dans les Etats-membres. En effet, le logement représente 40% de la consommation d’énergie globale. Un plan d’action pour l’efficacité énergétique pourrait être bienvenu, notamment s’il est réalisé avec la coopération des municipalités et des citoyens. Le principe de subsidiarité est important pour la politique européenne commune. L’emploi et l’industrie sont également essentiels dans la question du logement. Les bonnes pratiques et l’échange d’informations, notamment entre les banques internationales, ont un rôle à jouer pour répondre aux besoins des citoyens et des municipalités. Dans la directive prévue révisant celle sur la performance énergétique dans les bâtiments (PEB), le seuil en m² fixé (1000m²) dans le cadre de rénovation devrait être élevé voire supprimé.
Dirk Cordeel, Président della Fédération de l’industrie européenne de la construction, a mis en évidence que le potentiel de réduction de la consommation d’énergie dans le logement est de 26%. D’ici 2020, on devrait atteindre 20% d’efficacité énergétique en plus sans pénaliser l’activité économique. La directive sur la PEB devrait être bientôt révisée, il n’y aura plus de seuil en m² pour la rénovation. Le système de certification seul, en effet, ne suffit pas à réaliser des économies suffisantes.
Kurt Emil ERIKSEN, chargé des Affaires gouvernementales chez Velux, a affirmé qu’il valait mieux viser à réduire la consommation d’énergie de 20% puis de 20% à nouveau, plutôt que de 40% en une seule fois. Pour cela, il est nécessaire de sensibiliser le citoyen davantage, c’est même un point-clef. Construire des maisons « positives » requiert des technologies et de l’argent, mais la prochaine génération pourra bénéficier de ces efforts.
Mike GILBERT, Président du groupe de travail « construction durable » de l’Association européenne du ciment (CEMBUREAU), ainsi que Juhani KATAINEN, Président du Conseil des architectes d’Europe, sont également intervenus lors de cette table ronde.
Lors de la séance de questions, la Commission a mis en évidence qu’une politique plus holistique et intégrée était nécessaire en matière de logement, afin d’être plus efficiente. D’autres participants ont fait remarquer que les politiques dans cette matière se concentrent trop sur l’énergie et pas assez sur la soutenabilité. Par ailleurs, il faut tenir compte des conditions locales, et faire en sorte que la politique soit moins morcelée.
Une représentante de CECODHAS a souligné que les moyens existent pour mettre en place une véritable politique du logement durable, moyens qu’il faut utiliser dès maintenant pour éduquer les citoyens, afin qu’ils soient davantage maitres des économies d’énergie dans leur logement.
Table ronde n°2 : Promouvoir le développement durable dans l’ancien
Cette table ronde était présidée par Jean-Marie BEAUPUY, membre du Parlement européen, président de l’intergroupe « Urban-Logement ».
Claude LENGLET, de la Plate-forme technologique européenne pour la construction et co-leader du projet de JTI E2B, a souligné que seulement moins de 2% des logements étaient concernés par la rénovation durable, et seulement 0.2% par la démolition de logements insalubres. Pourtant, si l’on se contente de concentrer les économies d’énergie sur les logements neufs, on aura besoin de plus d’un siècle pour atteindre les objectifs fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qui n’est pas acceptable. La rénovation en elle-même est durable. Trois éléments sont déterminants : l’isolation, une rénovation plus performante énergétiquement, l’éducation des occupants du logement. Les districts urbains sont les niveaux où les résultats sont les plus performants.
Pour Gunnar LORENZ, chef de l’unité réseaux d’Eurelectric, l’électricité doit changer de direction, et aller du consommateur au producteur ainsi qu’aux autres consommateurs.
Fernando GOMEZ-ACEDO, Président de Fagor Electrodomesticos, affirme que l’électricité est durable en soi et se prononce également pour l’abaissement du seuil en m² pour les rénovations dans la future directive révisée.
Luigi MELI, Directeur général du conseil européen de la construction d’appareils domestiques (CECED), est également intervenu.
Pendant la séance de questions, il a été mentionné qu’une étude réalisé fin 2007 portant sur le programme Concerto a montré que les réductions d’énergie ne coûtaient pas si cher, d’une part, et qu’il était nécessaire de mettre en place à la fois des régulations et des obligations, d’autre part.
Table ronde n°3 : Le logement durable : accessible à tous ?
Cette table ronde était présidée par Alain HUTCHINSON, membre du Parlement européen, vice-président de l’intergroupe « Urban-Logement »
Katarina MATHERNOVA, Directeur général adjoint de la DG Politique régionale de la Commission européenne, a mis l’accent sur l’importance de développer davantage l’efficience énergétique dans les logements sociaux, notamment par le biais des villes et des régions, en « shared-management » avec les Etats.
Paul-Louis MARTY, Président du groupe de travail énergie et ancien président du Comité européen de coordination de l’habitat et de l’action sociale (CECODHAS), a souligné que le logement représente 30% du budget d’un ménage moyen, et 40 à 50% pour les plus pauvres, ce qui représente la part la plus élevée depuis la Seconde guerre mondiale. Les remèdes résident selon lui dans une politique territorialement plus ciblée, une véritable politique de développement durable, insistant sur l’éducation, ainsi qu’une vision de la question de l’investissement nécessaire, davantage de nature macro-économique. Il faudrait également cesser de privilégier les aides fiscales sur les aides budgétaires, car se faisant, on avantage les plus riches. Les efforts les plus importants doivent être faits sur le stock de logement et notamment sur le flux. Enfin, les fonds structurels présentent trop de freins pour permettre à tous d’y accéder.
Jean-Louis GIRAUD, Administrateur de l’Union Européenne des Promoteurs-Constructeurs (UEPC), Vice-président de la Fédération des Promoteurs-Constructeurs de France (FPC), a mentionné le coût que représente le logement durable, soit 10 à 20% de plus qu’un logement normal.
Magnus HAMMAR, Secrétaire général de l’Association Internationale des locataires (IUT), a d’emblée mis en avant que l’organisme Energy watch avait constaté en 2005 que des personnes sont mortes à cause du phénomène de pauvreté énergétique ou « fuel poverty », concept très important, élaboré au Royaume-Uni. Il a mentionné également que les associations de locataires son mal organisées en Europe de l’Est, alors que la constitution de groupes de locataires plus organisés leur permettrait des avancées considérables. La question « qui doit payer ? » reste un problème central entre locataires et propriétaires. Par ailleurs, il est plus difficile de restaurer un logement individuel qu’un logement collectif. Pour parvenir à une situation de « win-win », le dialogue et la confiance entre les deux partis sont nécessaires.
Christian KOENIG, Responsable des Affaires juridiques de la Fédération européenne d’épargne et de crédit pour le logement (FECCL, EFBS), a insisté sur la nécessité que les Etats-membres appliquent davantage des politiques de crédit pour le logement.
Stratos PARADIAS, Président de l’Union internationale de la propriété immobilière (UIPI), a mis en avant le problème lié à la location, le propriétaire et le locataire n’arrivant pas à se mettre d’accord sur la responsabilité des travaux à entreprendre, n’ayant ni l’un ni l’autre l’impression que ce soit avantageux pour eux-mêmes. Souvent, le plus efficace réside dans la constitution d’une assemblée générale des propriétaires pour prendre une décision commune. La question reste cependant la suivante : Comment informer et aider les personnes pour qu’ils investissent dans leur maison, en évitant trop de démarches bureaucratiques ?
La séance de questions a mis en évidence que les plans nationaux d’implémentation de la directive sur la PEB dans les nouveaux États-membres n’ont permis de mettre en œuvre qu’un nombre réduit de mesures. La difficulté réside souvent dans le déblocage de fond. Un travail avec la Banque européenne d’investissement (BEI) pourrait être utile pour aider l’Europe de l’Est sur ce sujet. L’UE, a-t-il été suggéré, devrait également utiliser les banques, notamment la BEI, pour faire preuve de plus créativité, particulièrement dans la mise en place de mécanismes de tiers-payeurs et de taux préférentiels.
En conclusion, le Commissaire européen en charge de l’Energie, Andris PIEBALGS, a confirmé la suppression du plancher de 1000 m², et a également mis l’accentsur le potentiel d’emploi que représente le bâtiment, premiersecteur en Europe fournisseur de travail.