La démocratie vacille en Serbie

À Belgrade, Novi Sad, Kragujevac ou encore Kruševac, les manifestant·e·s occupent les rues et les universités depuis novembre, dénonçant un pouvoir de plus en plus autoritaire. Face à eux·elles, un président inflexible, refusant toute initiative de sortie de crise.

Une escalade des tensions

Le 1er novembre 2024, l’effondrement de l’auvent récemment rénové de la gare de Novi Sad provoque la mort de 16 personnes. Très vite, la population pointe du doigt la corruption généralisée et le sous-investissement chronique dans les infrastructures. Ce drame agit comme un détonateur : la colère monte, les grandes villes s’embrasent, et un large mouvement de protestation prend forme. Les manifestations, menées principalement par des étudiant·e·s, s’articulent autour de huit piliers revendicatifs : liberté, justice, dignité, État, jeunesse, solidarité, savoir, avenir. Ils réclament un véritable État de droit, la fin de la corruption du gouvernement d’Aleksandar Vučić, ainsi que la libération des militant·e·s emprisonné·e·s. Contrairement à beaucoup de manifestations dans des pays voisins, les drapeaux européens sont rares car pour la jeunesse serbe, l’Union Européenne les a abandonnés dans cette lutte. Parti de Belgrade, le mouvement s’est rapidement propagé dans tout le pays, avec des blocages routiers et des marches reliant différentes villes. Des dizaines de milliers de personnes y participent, soutenues par une population qui fournit nourriture et assistance logistique.

 

Les étudiant·e·s en première ligne

Les universités sont désormais les bastions du mouvement. Les étudiant·e·s y ont instauré de véritables micro-sociétés autogérées, avec des ateliers d’auto-éducation, des cantines populaires, et des espaces de réflexion collective. En guise de réponse, le gouvernement reste sourd, cherchant plutôt à discréditer le mouvement en l’accusant d’organiser une tentative de coup d’État. Le 15 mars marque un tournant : plus de 300 000 personnes défilent dans les rues de Belgrade pour dénoncer la corruption — soit un sixième de la population du pays. À l’échelle de la Belgique, cela équivaudrait à une manifestation de 2 millions de personnes ; en France, à 11 millions. Les étudiant·e·s ont proposé des élections anticipées pour juin, dans un esprit d’apaisement. Le président Vučić a sèchement rejeté l’idée, déclarant qu’il n’y consentirait « que s’il devait y laisser la vie ».

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