Presque inconnu il y a encore un an, Zohran Mamdani a pourtant été élu maire de New-York à plus de 50% des suffrages ce 4 novembre 2025. Issu d’une famille d’immigrants d’Asie du sud, musulman pratiquant et socialiste assumé, Mamdani a su fédérer autour d’un seul mot d’ordre: plus de justice sociale.
Un premier revers électoral pour la Maison Blanche, à l’heure où les politiques de Donald Trump s’enfoncent toujours davantage dans un conservatisme rigide, teinté de discours xénophobe et anti-diversité.
Une victoire pour la gauche américaine qui donne un souffle d’espoir pour l’Europe et le reste du monde dans une lutte contre la montée des politiques autoritaires et réactionnaires.
Mise en avant du coût de la vie
Pour construire sa campagne, Zohran Mamdani est allé puiser dans la frustration des habitant·e· face au coût de la vie et aux inégalités.
Son programme s’est structuré autour de plusieurs propositions phares qui privilégient la praticité à l’idéologie. Parmi celles-ci, la volonté d’instaurer des bus gratuits et plus rapides, censés faire économiser en moyenne 2000 dollars par an aux usagers, incarne la promesse d’une ville plus abordable. A cela s’ajoute d’autres mesures comme le gel des loyers, l’expansion des solutions publiques pour la garde d’enfants et la création d’épiceries municipales.
Le phénomène Mamdani est aussi porté par sa coalition électorale très diverse. Alors presque inconnu du grand public il y a presque un an, il a su mobiliser jeunes, classes moyennes, minorités urbaines et militant·e·s de la gauche progressiste. Beaucoup ont été touché·e·s par son parcours personnel (issu d’une famille immigrante et musulmane pratiquante) et ses prises de positions claires notamment par son discours propalestinien, anti-élites et ses critiques virulentes envers les cadres traditionnels du Parti démocrate.
Mais il est important de retenir que la stratégie de Mamdani traduit un nouveau langage politique centré sur l’”affordability”, concept central dans le débat américain actuel. Plutôt que de se perdre dans des discours idéologiques trop abstraits, il met surtout en avant des solutions concrètes. Ce recentrage sur des thématiques quotidiennes permet de répondre directement aux préoccupations matérielles des New-Yorkais·es.
Cette approche vise aussi à renforcer son image de politicien “normal”, proche des réalités de la ville, contrastant avec une classe politique perçue comme déconnectée.
Une inspiration pour les pays européens?
En Europe, le coût de la vie est aussi devenu un terrain électoral décisif. En Irlande, fin octobre 2025, où les partis de gauche ont porté la candidate indépendante Catherine Connolly à la fonction de présidente, les débats se sont centrés sur le coût de la vie et notamment sur la crise du logement. En Belgique et en France, la question du pouvoir d’achat est désormais un mot d’ordre permanent. Ce constat se ressent aussi au niveau des élections européennes de 2024 où le coût de la vie était la principale préoccupation poussant la population à aller voter.
Mais pouvoir reproduire le modèle Mamdani reste complexe. Son succès repose autant sur son style que sur une organisation communautaire et syndicale solide. Son expérience au sein de l’organisation des Démocrates Socialistes d’Amérique (DSA) et son travail de terrain auprès des communautés new-yorkaises ont permis de transformer ses idées en un véritable “mouvement des masses”.
De plus, la mise en œuvre concrètes de ses propositions reste à faire. Ces dernières vont nécessiter la structuration d’un budget solide mais aussi la coopération de diverses autorités d’Etat. Les promesses seules ne suffisent pas face aux réalités financières, politiques, logistiques et institutionnelles.
Pour sûr, Mamdani incarne un signal fort d’espoir et de changement concret. Mais pour que cet élan ne reste pas symbolique, il devra s’appuyer sur une organisation solide, capable de traduire les promesses en actions réelles et d’éviter l’écueil des idéaux perçus comme irréalisables.
Vers un renouveau politique en Europe?
Au-delà de sa victoire, le parcours de Zohran Mamdani montre une dynamique politique que la gauche européenne peine encore à retrouver. Dans beaucoup de pays, les partis sociaux-démocrates ont perdu leur électorat populaire, happé par les promesses nationalistes et xénophobes d’une extrême droite qui prétend défendre les « oublié·e·s de la mondialisation ».
Mais cette dérive s’explique aussi par des décennies de politiques néolibérales qui ont abimé la protection sociale et alimenté les inégalités offrant de fait un terrain fertile à la peur et au ressentiment.
Les partis de gauche, notamment au niveau européen, sont dépendants d’une stratégie de compromis et peinent à proposer une alternative claire et mobilisatrice. L’élection de Mamdani montre donc qu’il est possible de réconcilier les réalités quotidiennes avec un projet politique fondé sur la justice sociale, l’antiracisme et la diversité.
Mais transposer cette stratégie en Europe supposerait une profonde refonte organisationnelle et culturelle. Il ne s’agit pas seulement de copier un style ou un discours, mais de construire une base militante locale, solidaire et ancrée dans les réalités sociales.
L’expérience new-yorkaise rappelle surtout qu’un changement ne peut émerger que d’en bas, d’une société civile organisée et engagée. Pour l’Europe, cela signifie dépasser le cadre partisan et renouer avec une logique de transformation bénéficiant à toutes et tous, partout.