Alors que l’Allemagne est souvent citée en exemple pour son taux de chômage des jeunes remarquablement bas, un autre indicateur de l’agence de l’emploi vient ternir ce tableau : près de trois millions de jeunes de moins de 35 ans sont aujourd’hui sans aucune qualification. Un record inquiétant qui révèle les limites d’un modèle de formation longtemps vanté.
Un système dual en perte d’efficacité
Le système de formation professionnelle « dual », combinant apprentissage en entreprise et enseignement théorique en école professionnelle, constitue l’un des piliers historiques de l’intégration des jeunes sur le marché du travail allemand. Ce modèle, considéré comme l’un des plus efficaces en Europe, semble toutefois montrer des signes d’essoufflement. Malgré un taux de chômage des jeunes qui reste relativement faible – 6,5 % en Allemagne contre une moyenne de 14,5 % dans l’Union européenne –, le nombre de jeunes sans qualification a bondi en dix ans. En 2015, ils étaient environ 1,9 million ; en 2024, ce chiffre atteint 2,9 millions.
Des obstacles multiples à la formation et un système moins attractif
Plusieurs facteurs expliquent cette dégradation. Tout d’abord, l’intégration des jeunes issus de l’immigration représente un défi majeur. Souvent confrontés à une faible maîtrise de la langue allemande et peu de soutien étatique, ces jeunes rencontrent des difficultés à suivre une formation, ce qui entraîne leur surreprésentation dans les statistiques de non-qualification. À cela s’ajoute la complexité du système allemand de reconnaissance des diplômes étrangers. Nombre de formations suivies à l’étranger ne trouvent pas d’équivalence dans le système allemand, bloquant ainsi l’accès de nombreux jeunes à des parcours qualifiants. Par ailleurs, le système d’apprentissage ne répond plus toujours aux attentes des jeunes. Les contrats sont souvent rompus en cours de route, notamment en raison de conditions de travail jugées peu valorisantes ou rigides. En parallèle, l’écart de rémunération joue un rôle dissuasif : alors qu’un apprenti de première année gagne en moyenne 680 euros par mois, un emploi non qualifié au salaire minimum peut offrir presque le double. Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui privilégient un revenu immédiat à une formation pourtant essentielle sur le long terme.
Se saisir de l’enjeu
L’Europe, qui se veut un modèle dans la lutte contre le chômage des jeunes, ne peut rester indifférente face à l’augmentation alarmante du nombre de jeunes sans qualification. Il est impératif d’adapter les systèmes de formation aux réalités socioculturelles contemporaines, de reconnaître les parcours éducatifs et professionnels étrangers, et de revaloriser l’apprentissage comme véritable voie d’excellence.