Une campagne de désinformation orchestrée par et pour l’extrême droite
Imane Khelif, boxeuse algérienne au palmarès impressionnant (médaille d’argent au championnat du monde 2022, médaille d’or au championnat d’Afrique 2022, quarts de finale aux Jeux olympiques de Tokyo 2020), est actuellement la cible d’une campagne virulente de cyberharcèlement, orchestrée par des forces réactionnaires. En quelques jours, plus d’un million de tweets, souvent péjoratifs, ont été publiés à son encontre, propulsant des rumeurs infondées la décrivant tour à tour comme un homme, une femme transgenre, ou encore une personne intersexe, et remettant ainsi en question sa légitimité à concourir dans un tournoi féminin. Un dénigrement particulièrement misogyne, transphobe – voire raciste -, qui s’est vu amplifié par des personnalités influentes comme Donald Trump et Elon Musk, jusqu’à ce que le père de la boxeuse soit contraint de publier l’acte de naissance d’Imane Khelif. La honte. Cette offensive s’inscrit dans une crispation plus large autour des questions de sexe et de genre, exacerbée par la montée des extrêmes droites en Europe et aux États-Unis, et révèle la persistance des standards de beauté occidentaux hypersexualisés imposées aux femmes.
Des stéréotypes sexistes particulièrement tenaces dans le monde du sport
Si le sport est censé célébrer la diversité et le dépassement de soi, il impose pourtant des normes strictes de féminité aux athlètes féminines, souvent accusées de ne pas être “assez féminines” en raison de leur physique musclé ou de leur absence de courbes. Ces femmes sont alors lâchement accusées d’être des “hommes déguisés”, ou des “femmes non authentiques”, c’est-à-dire issues de l’intersexuation. De telles polémiques sont profondément enracinées dans les fantasmes machistes et cisgenre sur le sexe et le genre, qui témoignent que le sport reste malgré lui un bastion de virilité dans lequel les violences de genre demeurent. En ce sens, d’autres injustices sont frappantes, comme la sous-représentation des femmes dans certains sports (notamment, la boxe), ou encore les contraintes imposées par les normes vestimentaires – l’interdiction pour les athlètes françaises voilées de participer aux épreuves lors des Jeux de 2024, par exemple.
La dimension raciste de la polémique
La polémique autour d’Imane Khelif met également en lumière une dimension raciste profondément ancrée. En effet, Imane Khelif, tout comme Caster Semenya ou Dutee Chand, fait partie de femmes issues des continents africain et asiatique qui se sont vues soumises à des contrôles de sexe intrusifs et controversés. Ce phénomène ne peut être dissocié des critères de féminité dictés par un idéal occidental, souvent déconnecté des réalités biologiques variées et des caractéristiques naturelles du sexe. En ce sens, les femmes de couleur en particulier, sont jugées selon ces critères eurocentriques, ce qui renforce une structure de pouvoir raciale qui privilégie les normes occidentales de beauté. Cette dynamique révèle comment les standards de genre et de sexe sont utilisés pour marginaliser et exclure les athlètes jugés non conformes, tout en consolidant les préjugés raciaux et sexistes. Ainsi, les contrôles de sexe et les débats sur la légitimité des femmes athlètes servent de mécanismes de régulation et d’exclusion, perpétuant des inégalités et des discriminations systématiques dans le sport et au-delà.