Le nouveau projet de règlement européen sur les retours, dévoilé le 11 mars 2025, annonce un tournant inquiétant dans la politique migratoire de l’Union européenne (UE). Présenté comme une mesure d’efficacité par la Commission européenne, il étend les possibilités d’expulsion et de détention des migrant·e·s en situation irrégulière, tout en touchant à leurs droits fondamentaux.
Ce que le règlement propose
Ce projet de règlement s’inscrit dans le cadre du Pacte européen sur la migration et l’asile et entend remplacer la directive de 2008 sur les retours, en instaurant un régime plus uniforme et plus sévère à l’échelle de l’UE. Parmi les principales mesures y figurent :
- Une prolongation de la durée maximale de rétention jusqu’à 2 ans, voire plus pour des “raisons de sécurité” ;
- La création de centres de retour situés hors du territoire européen, à condition qu’iels soient dans des pays “jugés” respectueux des droits fondamentaux ;
- L’allongement de l’interdiction de retour dans l’UE : jusqu’à 10 ou 20 ans.
Ces mesures sont susceptibles d’affecter les droits fondamentaux et plusieurs organisations les dénoncent.
Un texte entravant les droits humains
Ce texte déclenche une vague d’indignation chez les ONGs, les juristes et les défenseur·euse·s des droits humains. Mikael Leyi, le secrétaire général de SOLIDAR a déclaré qu’« il est véritablement décevant de voir la Commission céder aux exigences les plus cruelles et les plus irrationnelles des États membres, au lieu d’agir en gardienne des Traités et de l’intérêt général de l’Union ».
Plusieurs aspects du règlement posent de graves problèmes éthiques, juridiques et pratiques :
- Externalisation de la responsabilité : en créant des centres de retour dans des pays tiers, l’UE cherche à déplacer le traitement des expulsions hors de ses frontières, une stratégie déjà critiquée dans les accords avec la Turquie, l’Albanie ou le Rwanda. Cette logique contourne le droit international et le principe de non-refoulement.
- Violation des droits fondamentaux : en allongeant la durée de rétention et en affaiblissant les garanties procédurales, l’UE favorise une approche coercitive plutôt qu’humaniste. Les expulsions vers des pays dangereux deviennent une réelle menace.
- Processus opaque et précipité : comme le dénonce SOLIDAR, la proposition a été élaborée sans consultation sérieuse des acteur·trice·s de la société civile, ni étude d’impact préalable. Cela révèle une volonté politique de passer en force, en contournant les principes démocratiques.
- Coût humain et financier : selon Amnesty International, cette approche punitive ne fera qu’aggraver la souffrance des personnes concernées, tout en alourdissant les budgets nationaux.
Quelles suites ?
Le projet doit encore être débattu au Parlement européen et négocié avec les États membres avant d’être définitivement adopté. Il complèterait le Pacte sur la migration et l’asile adopté en 2024, dont la mise en œuvre est attendue pour 2026. D’ici à juillet 2027, la Commission prévoit un bilan sur l’application effective des décisions de retour par les États.
Mais à ce stade, les signaux sont alarmants : l’Union européenne semble s’éloigner de son rôle de garante des droits humains pour satisfaire les demandes les plus répressives de certains gouvernements. En privilégiant l’expulsion à l’inclusion, la dissuasion à l’accueil, l’Europe ne fait pas que tourner le dos à ses valeurs : elle compromet aussi sa crédibilité sur la scène internationale.
À travers ce règlement, l’UE institutionnalise une politique de peur et d’exclusion. Un choix politique lourd de conséquences, à l’heure où la solidarité mondiale et la protection des réfugié·e·s devraient être au cœur des priorités. POUR LA SOLIDARITÉ – PLS suivra l’évolution de cette proposition de règlement et espère que les droits fondamentaux l’emporteront.