Misogynoir à l’écran : une violence qui divertit ?

La représentation déshumanisante des femmes noires à travers les médias et la culture reste une réalité encore bien présente aujourd’hui. Au visionnage de certaines émissions de télé-réalité, reflets de nos sociétés placées sous la surveillance des téléspectateur·ices, celleux-ci prennent conscience des micro-agressions répétées subies par les femmes noires au quotidien.

Un terme qui dénonce une double violence

Le terme misogynoir a été conceptualisé par la chercheuse et militante afro-américaine Moya Bailey en 2010. Elle montre que, dans le cas des femmes noires, la misogynie et le racisme ne sont pas des oppressions distinctes, mais qu’elles se croisent et se renforcent mutuellement. Le concept de misogynoir englobe plusieurs formes de préjudices : la déshumanisation des femmes noires dans les médias et sur les réseaux sociaux, mais aussi la remise en question des violences exercées à leur encontre, qu’elles soient verbales, physiques ou institutionnelles.

Quand la télé-réalité expose une agressivité devenue ordinaire

Dans les émissions de télé-réalité, ce sont surtout les micro-agressions qui ressortent. Comme l’explique Betel Mabille, formatrice sur les questions liées au racisme et aux discriminations, dans une interview pour la RTBF : « Ce sont des remarques ou des comportements qui, au premier abord, n’ont pas l’air d’être violents ou agressifs, mais qui s’inscrivent dans une sorte d’historique raciste et sexiste qui va bien au-delà. »

Depuis le début de la treizième saison de l’émission Secret Story, deux jeunes femmes noires, Romy et Anita, semblent particulièrement ciblées par les attaques des autres candidat·e·s dans la maison, filmée en continu. Certain·e·s candidat·e·s se sont  moqués d’Anita, lui suggérant que son deuxième prénom serait « Fatoumata » ou que son film préféré serait Case Départ, un film sur la traite négrière. D’autres réagissent systématiquement aux prises de parole de Romy, l’accusant de « gueuler » et illustrant ainsi le stéréotype de la « femme noire agressive ».

Plus tôt cette année, la finaliste Ebony, révélée par Star Academy, a également fait l’objet d’un violent déferlement de haine misogynoire en ligne, malgré un parcours salué. En effet, les violences ne viennent pas seulement des candidat·e·s, mais aussi du public.

Une violence bien réelle au-delà des écrans

Le harcèlement que subissent ces femmes noires dans l’émission ne relève pas de cas isolés. Il reflète une violence systémique qui existe bel et bien dans la société, en dehors des caméras. Souvent banalisée et incomprise, cette violence fait partie intégrante du vécu de nombreuses femmes noires.

La misogynoir numérique, prolongement direct des dynamiques sociales actuelles, montre qu’il est urgent de reconnaître ces agressions pour mieux protéger celles qui en sont victimes. La lutte passe d’abord par l’écoute et la reconnaissance de leur parole.

 

 

 

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