Madagascar, Maroc, Pérou, Népal…. Les pays du Sud Global connaissent depuis plusieurs semaines de nombreuses manifestations menées par des mouvements de jeunes issus de la génération née entre la fin des années 90 et le début des années 2010, dite Génération Z/Gen Z.. Si les revendications sont locales et variées (coupures d’eau, corruption, insécurité, santé, éducation…), ces mouvements ont des revendications communes : celles du respect de leurs droits, l’exigence de nouvelles réformes et le départ d’une classe d’élites politiques jugée déphasée.
Des revendications locales à une dynamique transnationale de mobilisation
Si la Génération Z se soulève aujourd’hui sur plusieurs continents, c’est toujours à partir de tensions enracinées dans les réalités locales.
Le Népal a été le point de départ de cette nouvelle vague. En septembre 2025, le gouvernement a tenté de censurer les réseaux sociaux. Une large diaspora népalaise vit à l’étranger et dépend des transferts numériques via de nombreuses applications pour communiquer et soutenir financièrement leurs proches restés au pays. A cela s’ajoute des revendications quant au chômage de masse, notamment chez les jeunes, et à la corruption envers les élites. Ces divers éléments ont mené la jeunesse dans la rue. Celle-ci a cependant été durement réprimée avec une vingtaine de morts. Les manifestations ont finalement abouti à la chute du gouvernement, faisant du Népal un modèle pour d’autres pays en lutte.
A Madagascar, les jeunes dénoncent des coupures d’eau et d’électricité tandis que que le président investi dans des projets très coûteux qui n’ont aucun lien avec les demandes réelles de la population. Il semble important de noter que les deux tiers des habitant·e·s vivent sous le seuil de pauvreté. La répression fut sévère mais s’est finalement soldée par le départ du gouvernement une fois qu’une partie de l’armée ait rejoint les manifestant·es.
Au Pérou, la colère se cristallise autour de la précarité, de l’insécurité, de la corruption et d’un pouvoir complètement déconnecté. Les manifestations, là aussi menées par le collectif GenZ, ont abouti au départ de la présidente en place, Dina Boluarte, remplacée par un parlementaire inconnu du grand public, José Jeri, dont le casier judiciaire est déjà bien rempli.
Enfin, plus récemment, au Maroc, alors que le gouvernement préfère investir dans les stades de foot en vue de la Coupe du Monde 2030, les services publics sont complètement laissés à l’abandon à l’instar d’hopitaux complètement insalubres et en sous-effectifs. Le collectif Gen Z, a l’origine des manifestations, réclame la dissolution du gouvernement et la nécessité d’instaurer des réformes importantes.
Traits communs et structuration du mouvement
Malgré la diversité des contextes nationaux, les mouvements portés par la Génération Z présentent des traits structurels et culturels semblables. Leur organisation est horizontale, sans leader officiel ni affiliation partisane. Cette jeunesse s’auto-organise sur les réseaux sociaux tels que Discord et Telegram. Elle maitrisent parfaitement les codes technologiques et médiatiques.
Ce sont majoritairement des étudiant·e·s, jeunes diplômé·e·s et chômeur·euse·s, souvent issu·e·s de classes précarisées. Leurs revendications sont claires : des services publics défaillants, une corruption endémique, une injustice sociale fortement subie et un manque d’opportunité économique. Bien que locales, ces revendications résonnent globalement.
Ces jeunes incarnent une nouvelle génération politique. Ils et elles rejettent les partis jugés inefficaces ou corrompus, préférant construire un imaginaire fondé sur l’égalité et l’accès aux droits fondamentaux pour toutes et tous. D’ailleurs, un de leurs symboles fédérateurs est le drapeau pirate du dessin animé One Piece, où les personnages principaux se battent contre une oligarchie aristocratique qui dirige la société.
Mais cette forme d’organisation sans porte-parole identifié pose aussi un problème stratégique : l’absence d’interlocuteur·ice·s tend à faciliter la répression brutale, évitant tout dialogue politique.
Vers une Gen Z européenne?
Si l’effervescence qui anime les différentes régions du monde semble encore lointaine pour les pays européens, les signaux d’alerte se multiplient. Que cela soit en Belgique ou dans les autres pays européens, les jeunes sont frappés de plein fouet par les politiques d’austérité : réduction des bourses, précarité des logements étudiant, explosion du coût de la vie. Les frustrations sont bien réelles mais souvent canalisées dans des formes de contestation plus diffuses. Le rapport 2025 du Global Youth Participation Index (GYPI) le confirme : malgré des scores globaux plus élevés en Europe, les jeunes restent sous-représentés dans les institutions, exclus des processus électoraux et faiblement entendus par les partis traditionnels.
Dans son livre “Sois jeune et tais-toi”, la journaliste française, Salomé Saqué insiste sur le fait que les jeunes sont épuisés d’être stigmatisés. Cette génération ne manque ni de conscience politique, ni de moyens d’agir. Que cela soit précisé dans son livre ou dans le rapport du GYPI,l’exclusion des jeunes n’est pas le résultat d’un désintérêt mais bien celui de barrières systémiques.
En Europe, la succession de gouvernements hostiles à la jeunesse ne peut que renforcer l’envie de cette dernière à se mobiliser pour dénoncer, de plus en plus violemment, le système en place.
Face à des institutions verrouillées, à un système économique aggravant les inégalités, et à des élites politiques sourdes aux urgences sociales, la Gen Z tend ainsi à vouloir faire bouger les lignes pour espérer un avenir plus juste pour toutes et tous.