Les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) se voient progressivement démantelés au sein des entreprises et des structures fédérales américaines, suite à l’adoption de la loi dite « Anti-DEI » portée par Donald Trump. Mais depuis quelques semaines, un phénomène inédit inquiète au-delà des frontières américaines : des entreprises européennes commencent à recevoir des courriers pour le moins troublants au regard des principes démocratiques européens.
Quand l’Amérique veut censurer la diversité en Europe
Officiellement envoyées par les ambassades des États-Unis dans les pays concernés, ces lettres enjoignent certaines entreprises européennes à se conformer à la loi fédérale américaine « Anti-DEI ». Les cibles de ces missives sont principalement des sociétés entretenant des liens économiques avec les États-Unis — en tant que partenaires, fournisseurs ou prestataires de services. Ces lettres demandent explicitement l’abandon de toute politique de discrimination positive visant à promouvoir la diversité ou la parité femmes-hommes. Les entreprises destinataires sont sommées de signer, dans un délai de cinq jours, un formulaire attestant de leur conformité avec cette législation américaine. Pour certaines entreprises, ces lettres sont même accompagnées de questionnaires détaillés invitant les entreprises à décrire leurs politiques internes en matière de diversité. Si ces politiques sont jugées trop inclusives, l’entreprise pourrait être exclue de futurs contrats avec l’État américain. Ce texte législatif, déjà dramatique pour les droits fondamentaux aux États-Unis, commence ainsi à avoir des répercussions directes dans d’autres pays, y compris en Europe.
L’Europe va-t-elle faire front ?
Il est encore difficile de mesurer précisément l’impact de ces lettres, mais plusieurs entreprises européennes ont déjà commencé à ajuster leur posture. À titre d’exemple, l’entreprise biopharmaceutique GSK, basée à Wavre (Belgique), a discrètement supprimé les termes « diversité » et « équité » de ses politiques internes, craignant de compromettre ses relations commerciales avec son principal client : les États-Unis. Sollicitée à ce sujet, la direction a indiqué par courriel avoir suspendu certaines initiatives pour « garantir la conformité de ses politiques ». Pourtant, cette pression venue de Washington entre en contradiction avec certaines législations nationales européennes. En Espagne, par exemple, la loi oblige les entreprises à adopter des politiques de diversité — ce qui place les injonctions américaines en porte-à-faux avec le droit national. Face à cette offensive idéologique, plusieurs gouvernements européens ont réagi avec fermeté.
En France, le ministre du Commerce extérieur a appelé les entreprises à « ne pas transiger sur la loi et les valeurs françaises ». En Belgique, le ministère des Affaires étrangères a également affiché une position claire, affirmant qu’il « ne reculerait pas d’un millimètre sur la diversité ».
La tentative d’exportation de cette législation américaine constitue un test grandeur nature pour les démocraties européennes. Reste à savoir si les entreprises et les gouvernements du continent sauront opposer un front commun pour défendre les principes d’égalité, de diversité et d’inclusion qui fondent leurs sociétés.