Santé mentale des jeunes et IA, l’émergence de nouveaux enjeux

Aujourd’hui, dans un contexte sociétal tendu et qui peut être source d’inquiétudes, la question de la santé mentale devient de plus en plus centrale. Face à cela, les intelligences artificielles conversationnelles occupent une place croissante dans la vie des jeunes, offrant un accompagnement émotionnel accessible à tout moment. Actrices inattendues dans la sphère émotionnelle et psychologique, elles peuvent représenter un outil de soutien mais nécessite surtout une attention particulière des pouvoirs publics et des professionnel.les de santé.

Une crise majeure 

La santé mentale des jeunes en Europe suscite une inquiétude croissante. Certains indicateurs laissent penser que l’on s’approche d’une épidémie de troubles psychologiques. Selon les données récentes de l’OMS, plus d’un enfant sur sept vit aujourd’hui avec un trouble mental, notamment des troubles anxieux. De manière générale, ce sont les adolescent.e.s, les jeunes femmes et les publics vulnérables qui sont principalement touché.e.s. Le suicide est aussi la première cause de mortalité chez les 15-29 ans.

Les jeunes évoluent dans une société anxiogène (crise économique, sociale, écologique) accentuée par un individualisme croissant et une « épidémie de solitude » où environ un jeune sur cinq ne bénéficie d’aucun soutien social. Cette vulnérabilité est accentuée par les expériences défavorables de l’enfance et par les discriminations touchant les populations migrantes ou LGBTQIA+.

Parallèlement, les systèmes de santé mentale demeurent insuffisants : le personnel est largement sous-dimensionné, les services communautaires et scolaires sont lacunaires, et l’accès aux soins reste limité par des obstacles financiers et organisationnels.

Cette combinaison d’enjeux sociaux, technologiques et structurels contribue à aggraver une crise dont les conséquences sur le bien-être des jeunes sont déjà profondes et durables.

IA conversationnelle et risques pour les jeunes

Parallèlement, les intelligences artificielles conversationnelles introduit un nouveau facteur d’attention, à la fois comme réponse possible à la détresse des jeunes mais aussi comme source de risques émergents.

L’émergence croissante des outils, tels que ChatGPT ou Gemini, a ouvert la voie à de nouveaux usages émotionnels tout en introduisant de nouvelles thématiques inédites. En effet, les chatbots sont de plus en plus utilisés comme confidents intimes, journaux de bord émotionnels ou substituts de psychothérapeutes. Ces fonctions étaient initialement inattendues. La proximité ressentie avec ces agents numériques est renforcée par l’absence de jugement, un ton personnalisé et la simulation d’intimité. Ces facteurs aboutissent à la création d’attachements affectifs précoces. Ces interactions peuvent générer une dépendance psychologique. Les chatbots ont tendance à utiliser la flatterie et à « s’aligner » émotionnellement sur l’état de l’utilisateur.rice pour créer un sentiment de connexion ou de compréhension, entraînant une confiance parfois disproportionnée au détriment de relations avec des personnes physiques.

Les conséquences peuvent être graves : des cas de suicides d’adolescent.es influencé.es par leurs échanges avec des IA, des comportements d’isolement prolongé, une addiction comportementale ou l’amplification de fragilités psychologiques préexistantes.

De plus, les entreprises technologiques sont accusées de monétiser la fragilité émotionnelle, en concevant des systèmes destinés à maintenir l’utilisateur connecté le plus longtemps possible, au prix de sa santé mentale.

Dans un contexte social déjà anxiogène, les jeunes peuvent voir leur vulnérabilité exploitable et amplifiée par des environnements numériques de plus en plus persuasifs et émotionnellement engageants.

Quelles réponses apporter?

La réponse publique à la crise de la santé mentale des jeunes repose sur deux axes complémentaires:

  • le renforcement des structures de soins et de gouvernance
  • l’encadrement de nouveaux risques liés à l’IA

Face à une situation critique, l’OMS propose neuf actions pour améliorer la qualité des soins en Europe, allant du développement de la gouvernance au niveau des Etats à l’investissement dans une main d’oeuvre compétente, en passant par l’instauration de normes de qualité. En effet, un pays sur cinq ne dispose pas de politique spécifique pour la santé mentale. L’Union européenne, quant à elle, met l’accent sur la prévention, le financement d’initiatives ciblées et l’accès à des soins abordables.

En ce qui concerne l’encadrement des technologies, les enjeux se concentrent autour de la réglementation, de la transparence et de la responsabilité. En effet, il semble essentiel de mettre en place des lois et politiques spécifiques protégeant tous les publics contre les usages nocifs de l’IA. Il convient également d’inclure les entreprises et développeur.euse.s en les considérant comme responsables des effets de leurs outils et des effets néfastes qui peuvent en découler. 

Enfin, pallier au manque de moyens est aussi essentiel. L’OMS rapporte une diminution des pédopsychiatres dans plusieurs pays. Les services sont concentrés dans les hôpitaux, tandis que les soins dans certaines régions ou dans les écoles sont rares, limitant de fait l’accès et l’efficacité. Les barrières financières aggravent ces difficultés : un cinquième des pays n’exonère pas les adolescent.e.s des frais, et les délais d’attente peuvent atteindre plusieurs mois. Il y a donc une nécessité d’augmenter les financements et de réduire les coûts pour les usager.ère.s. L’investissement dans les ressources humaines doit être massif, avec formation et soutien du personnel spécialisé.

 

La santé mentale des jeunes n’est pas seulement une question de soins, c’est aussi un enjeu de société. Il devient impératif de renforcer les systèmes de soin et de protéger les jeunes des risques émergents. Affirmer la santé mentale comme enjeu collectif et priorité sociétale est aujourd’hui indispensable pour répondre aux attentes et besoins exprimés par les jeunes.

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